Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ce pas plutôt, au contraire, qu’à la lumière de l’expérience, voyant les choses de haut et de loin, ils y portent une raison plus rassise et une tendresse plus sûre ?

Nul doute que Mme de Sévigné n’éprouvât la plus délicieuse des satisfactions à reverser, pour ainsi dire, sur Marie-Blanche, Henri et Pauline de Grignan, ses petits pichons, comme elle les appelait en son patois familier, le trop-plein des sentiments que sa fille n’épuisait pas à son gré. Sentiments d’autant plus profonds qu’ils étaient désintéressés. Heureuse, bien heureuse qu’ils pensent à elle, qu’ils parlent d’elle, elle ne se croit en droit de rien exiger d’eux, elle ne leur demande aucun retour : C’est pour eux-mêmes qu’elle les aime. De là la gravité, l’esprit de prévoyance, de décision qui donnent à ses conseils d’affection une note d’un caractère si ferme. Elle n’avait été qu’à moitié la maîtresse de sa fille. C’est elle qui lui avait appris l’italien et probablement le latin ; elle la faisait beaucoup lire et causer, comme son fils. Mais de bonne heure la direction de son esprit lui avait échappé ; l’abbé de la Mousse s’en était emparé : Descartes était devenu son « père » ; et, sur plus d’un point, Mme de Sévigné n’eût osé lui faire tête. Toute jeune, elle ne la tenait guère que par la vanité. Vous m’avez mal élevée, lui dit un jour Mme de Grignan ; et si gracieux que fût le reproche dans sa pensée, ce n’était pas absolument un badinage. L’assurance qu’elle avait si rarement prise pour elle-même, Mme de Sévigné s’y hasarde dès qu’il s’agit de la santé, de