Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/202

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MADAME DE LAMBERT



Il est peu de femmes qui aient pris à cœur la cause des femmes avec autant d’ardeur que la marquise de Lambert. Quand Fénclon réclame en leur faveur, au nom de la famille, de la société et de la religion, sa réclamation ne trahit que l’émotion généreuse d’un philosophe et d’un chrétien. Cette émotion, chez Mme de Lambert, s’anime de toute la vivacité du sentiment personnel froissé. Sa dignité souffre à la pensée « qu’on ne travaille que pour les hommes, comme s’ils formaient une espèce à part, tandis que les femmes sont sacrifiées, abandonnées, réduites à néant : dans leur jeunesse on ne les occupe à rien de solide ; au cours de la vie elles ne peuvent se charger ni du soin de leur fortune ni de la conduite de leurs affaires ; elles sont livrées sans défense au monde, aux préjugés, à l’ignorance, au plaisir ; il suffit qu’elles soient belles, on ne leur demande rien de plus : on les tient quittes de tout le reste. » Mme de Lambert ne se borne pas à établir une fois ses griefs : il n’est pas un de ses écrits où elle n’y revienne ; elle les développe, les retourne en tous sens, les aiguise. Elle essaye bien par moments de rendre dédain pour dédain : « Après tout, les hommes auront beau faire, ils n’ôteront jamais aux femmes la gloire d’avoir formé ce que les temps passés ont compté de plus