Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plan dans la vie. » C’est ce plan qu’elle veut tracer à ses enfants, à la lumière de l’expérience et de la raison. Ses amis, qui connaissaient son goût pour l’antiquité, ne l’auraient pas trop étonnée peut-être, bien que sa modestie fût réelle, en la félicitant de leur avoir donné un traité des devoirs.

Les Avis d’une mère à son fils, la première de ses œuvres[1], fournissent l’exacte mesure de l’objet qu’elle se propose. Elle s’y place tout de suite au point d’où elle embrasse l’ensemble des conditions auxquelles sont attachés, dans sa pensée, la dignité et le bonheur. Elle ne croit pas pouvoir fixer trop haut les regards de son fils : dût-il n’arriver qu’à mi-chemin, il est beau d’avoir pris l’essor pour s’élever. La modestie dans la jeunesse n’est qu’une langueur de l’âme ; on ne saurait soutenir ses désirs d’espérances trop flatteuses ; ceux qui n’aspirent qu’à la fortune n’ont jamais qu’un mérite borné : qu’il ait soin de sa gloire ; elle se charge du reste. Ce mâle et généreux langage avait d’abord presque effrayé Fénelon. « Je ne serais peut-être pas tout à fait d’accord avec Mme de Lambert, écrivait-il à M. de Sacy, sur toute l’ambition qu’elle demande de son fils ; mais nous nous raccommoderions bientôt sur toutes les vertus par lesquelles elle veut que son ambition soit appuyée et modérée. » L’ambition, telle qu’elle la décrit, ne consiste en effet « qu’à se rendre supérieur en mérite. » Ce qu’elle entend par la gloire, ce n’est pas la réputation due à quelqu’une de ces actions brillantes auxquelles la fortune a souvent la meilleure part, c’est la considération, fruit de la vertu persévérante,

  1. 1703.