Aller au contenu

Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/241

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

entretiens s’était répandu partout ; il n’était pas de père qui, donnant, comme Dupuis, des Instructions à sa fille, n’insistât sur l’art de converser et la nécessité de s’y exercer, même avec les gens de service. Mme de Lambert pouvait moins que personne être insensible à l’attrait de ces échanges d’idées qui mettaient agréablement aux prises les deux sexes. Elle en estimait surtout les solides avantages. L’expérience lui avait appris que, si les hommes s’éprennent d’abord du nouveau plus que de l’excellent, cette fleur de nouveauté passe vite et que le mérite seul prend du crédit. Il ne semble pas qu’elle intervînt elle-même dans les entretiens plus que de raison. La Rivière lui en faisait presque un malicieux reproche. « Il ne faut parler, disait-elle à sa fille, que pour plaire ou instruire : que ce que vous direz soit neuf ou que le tour en soit nouveau. » Mais si modestement qu’on se fasse sa part dans une conversation, le bénéfice en demeure : « L’esprit se dénoue, les idées se démêlent, les sentiments s’éclairent, la pensée est excitée et nourrie. »

Plus intime encore et plus efficace est pour Mme de Lambert le profit de la lecture. Même alors qu’au sortir peut-être d’un de ces cercles où elle avait tenu le dé, Mlle de Scudéry faisait si grand cas de la conversation, elle « ne laissait pas d’admettre que bien souvent on n’y recueille que des pensées tumultueuses, que ceux qui les ont eues condamnent quelques minutes après, tandis que la lecture donne le dernier effort de l’esprit de celui auquel on s’est attaché. » C’est pour cela que Mme de Lambert mettait la lecture au-dessus de la conversation. Elle reprochait aux femmes de n’en point assez user. « Quelles sont celles, demandait-elle, qui utilisent