Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

douceurs dès l’enfance : « Ce n’est que dans la maison paternelle qu’on prend le goût de sa propre maison ; la femme que sa mère n’a point élevée n’aimera pointa élever ses enfants. » De même que les premières affections de la jeune fille appartiennent à la famille, c’est sur les soins de la famille que doivent porter ses premières leçons. Il faut que, de bonne heure, elle entende la cuisine et l’office, qu’elle connaisse le prix et la qualité des denrées, qu’elle soit en mesure de tenir les comptes, qu’elle puisse même servir de maître d’hôtel. Faite pour être un jour à la tête d’un ménage, en gouvernant celui de son père elle apprendra à gouverner le sien. Son devoir, s’il le faut, est de suppléer aux fonctions des domestiques ; nul n’est en état de commander que ce qu’il a appris à exécuter. On croirait entendre Mme de Maintenon.

Mais ces habitudes d’intérieur seront-elles toute l’éducation de la jeune fille ? Il ne s’en faut pas de beaucoup que Rousseau ne s’y tienne. « Il ne blâmerait pas sans distinction qu’une femme fût bornée aux seuls travaux de son sexe et qu’on la laissât dans une profonde ignorance sur tout le reste. A-t-on jamais vu que l’ignorance ait nui aux mœurs ? Trop souvent on compose avec ses devoirs à force d’y réfléchir et l’on finit par mettre le jargon à la place des choses : la femme du monde la plus honnête sait peut-être le moins ce que c’est que l’honnêteté. » Ce qui l’arrête en dehors des périls auxquels peut exposer une candeur exagérée, c’est d’abord que la nature veut que les femmes pensent, jugent, aiment, connaissent, qu’elles parent leur intelligence comme leur figure ; c’est ensuite qu’un esprit cultivé rend seul le commerce agréable et l’expérience utile.