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Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/261

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À quoi cela est-il bon ? Pour la jeune fille arrivée à l’âge « où la démarche s’assure, où la taille prend de la grâce, où l’on s’aperçoit que, de quelque manière qu’on soit mise, il y a un art de se faire regarder, » ce qu’elle doit se demander, c’est : Quel effet cela fera-t-il ? Que les hommes vaillent mieux que les femmes ou les femmes que les hommes pour diriger ses premiers exercices de chant et de danse, Rousseau n’en décide pas. Personnellement, il n’a aucun goût pour les baladins chamarrés qui errent à travers les villes ; il est d’avis que, dans la maison où il élève sa jeune écolière, tout peut et doit servir à l’éclairer : son père, sa mère, son frère, sa sœur, ses amis, les gouvernantes. Mais parmi ces maîtres il place en première ligne son miroir. C’est du dehors qu’elle tire tous ses conseils de conduite et pour le dehors qu’elle les suit. Même dans la conversation, le plus sérieux des talents aimables, il s’agit pour elle de jouer un personnage. Que ceux qui s’intéressent à elle et la font causer y saisissent l’occasion de glisser çà et là quelques préceptes de morale, rien de mieux ; mais ce qu’ils doivent se proposer, c’est de lui délier l’esprit et la langue, de la rendre vive à la riposte, de la préparer à faire le charme d’autrui. « Je voudrais, dit Rousseau à qui son imagination échauffée suggère trop souvent des comparaisons plus neuves que délicates, — je voudrais qu’une jeune Anglaise cultivât avec autant de soin les talents agréables pour plaire au mari qu’elle aura, qu’une jeune Albanaise les cultive pour le harem d’Ispahan. »

Cette coquetterie dont il poursuit l’éducation avec un dessein si arrêté, n’est pas seulement dans sa pensée un devoir de condition pour les femmes ; c’est en même temps