Aller au contenu

Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tablier de l’infirmière, retournant un blessé, où ils semblent s’écrier l’un devant l’autre ce que Rousseau exprime comme la moralité de la scène : « Femme, honore ton chef, c’est lui qui travaille pour toi, qui te gagne ton pain, qui te nourrit : voilà l’homme. — Homme, aime ta compagne, Dieu te la donne pour te soulager dans tes maux : voilà la femme » ; — tous ces appareils d’action dramatique montés à l’avance, ces effets laborieusement combinés, ces manèges dont personne n’est dupe, déconcertent l’attention et refroidissent l’intérêt : il n’y a rien là qui ressemble à la vie, rien qui y prépare. Et le jeu devient grave lorsque, de parti pris, Rousseau jette ses élèves hors des voies du bon sens et de la vérité. Ne parlons pas de l’étrange dénouement des Solitaires, de l’île déserte, du temple orné de fleurs et de fruits où, après trois années de séparation, Émile, que la tempête a jeté sur la même plage, retrouve Sophie servant en prêtresse je ne sais quelle divinité mystique. C’est l’existence qu’il leur crée avant leur mariage qui tient du roman, sans que le roman la justifie ; c’est le cœur de Sophie qu’il corrompt en la laissant boire à la coupe empoisonnée des rêveries malsaines. Quand Mme de Sévigné conseille à Mme de Grignan de ne point empêcher Pauline de lire à son aise, elle se dit que, si Pauline prend les choses un peu de travers, il suffira d’une conversation pour la redresser ; elle se représente aussi qu’il n’y a pas de mauvaise lecture pour un bon esprit, que tout est pur aux purs ; elle s’assure enfin que sa petite-fille a en elle même, dans l’étendue relative de ses connaissances et dans la force de sa réflexion naissante, des moyens de résistance qui la protègent contre les impressions