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Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/287

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gênée du faste extravagant de M. d’Épinay : lorsque les laquais, précédés des estafiers, lui ouvrent à deux battants les portes de l’hôtel où il gaspille son héritage, « elle voudrait passer par le trou d’une aiguille. » À Genève, où sa mauvaise santé l’a conduite, elle étonne par sa décence aimable de sa retraite ; et à ceux qui viennent la visiter pour être les témoins curieux, indiscrets peut-être, de cette transformation, elle répond avec une spirituelle ingénuité : « Sachez que je vaux moins que ma réputation de Genève, mais mieux que ma réputation de Paris. » Elle se connaît, se suit, se juge. Tandis qu’elle se rendait en Suisse, un accident faillit mettre ses jours en danger. « Une réflexion terrible, raconte-telle, me rendait indifférente sur mon sort. Je venais de jeter un coup d’œil sur toute ma vie : qu’y avais-je vu ? Un enchaînement d’intentions droites, une conduite faible, des torts plâtrés par des sophismes. J’ai pourtant une âme honnête et sensible : qu’aurais-je fait de pire si j’eusse été corrompue ? Je n’ai plus de ces accès de faiblesse à redouter ; mais mon expérience ne m’a que trop appris que je ne puis me diriger seule. » Quand enfin elle a trouvé auprès de Grimm son Mentor, elle se fixe ; et, comme l’a remarqué Sainte-Beuve, c’est à partir de ce moment qu’elle devient ce que, mieux préparée, mieux soutenue, elle eût pu être tout de suite, et que se développe « cette droiture de sens fine et profonde » avec laquelle ceux qui la goûtaient le moins étaient obligés de compter.

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