Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/29

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or à tout ce qu’on dit ici, écrit-elle de Vitré : la raison, la conversation, la suite sont entièrement bannies du tourbillon où je suis. » Les beaux esprits lui inspiraient de la pitié : « Si vous saviez combien ils sont petits de près et combien ils sont quelquefois empêchés de leur personne ! » et elle avait bientôt fait « de les remettre à hauteur d’appui. » La fausse grandeur l’irritait. « Ah ! masques, je vous connais ! » s’écrie-t-elle, en voyant de certaines gens annoncés sous de grands noms. Les honneurs mêmes, les vrais honneurs la fatiguaient. Elle a hâte de quitter Vitré, où on l’accable, pour aller retrouver aux Rochers sa Mousse, sa chienne, son mail, Pilois, ses maçons, le repos de ses bois ; elle est affamée de jeûne et de silence ; elle aspire à revoir les allées qu’elle a tracées, les abris qu’elle a créés, la Solitaire, le Cloître. Ses réflexions l’entraînaient parfois selon le vent. Elle battait le pays, mais elle avait ses remises. Elle pouvait lire trois et quatre fois les plus beaux livres du monde, Pascal, Nicole, Arnaud, Despréaux, Corneille, sans éprouver un moment d’ennui, presque sans avoir conscience « des redites » : c’est un plaisir, dit-elle agréablement, que de n’avoir pas de mémoire ! Très versée dans la littérature italienne et la littérature espagnole, entretenue par Ménage et Chaplain dans le culte de Sarrasin et de Voiture, elle prêtait volontiers l’oreille à un sonnet et ne faisait pas mauvais visage aux amusettes ou aux agréments du précieux. Mais elle avait le goût sain, robuste, élevé, tout occupé des choses. Ce