Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ce n’est plus un engouement qu’un dévouement qui dure et qui ne va pas sans effort. Afin d’être en état de se donner utilement, Mme d’Épinay s’était remise aux choses qu’elle avait oubliées et avait appris celles qu’elle ne savait pas. Et ce qu’elle avait fait avec Pauline, elle le recommence avec la fille de Pauline ; elle demande des élèves ; elle va en chercher dans sa famille. « J’ai déjà fait cinq éducations, disait-elle à quarante-trois ans, tant de mes enfants que de pauvres parents dont je me suis chargée. J’élève actuellement mes petits-enfants. » C’est sa consolation dans les mauvais jours. Quelque temps avant la naissance de sa dernière petite-fille, elle avait éprouvé un très sensible revers de fortune. « Pour me dédommager de mes désastres, écrit-elle à Galiani dans une lettre qui ne perd rien à être rapprochée des billets les plus tendres de Mme de Sévigné, je crois que je vais me faire maîtresse d’école, ou tout bonnement sevreuse. Il m’est arrivé du fond des Pyrénées une mienne petite-fille de deux ans qui est une originale petite créature. Elle est noire comme une taupe ; elle est d’une gravité espagnole, d’une sauvagerie vraiment huronne ; avec cela, les plus beaux yeux du monde et de certaines grâces naturelles, un mélange de bonté, de sévérité dans toute sa personne très marqué et bien singulier pour son âge. Je parie qu’elle aura du caractère, oui, je le parie. Et, pour qu’elle le conserve, il me prend envie de m’emparer de cette petite créature. Ce sont de terribles chaînes que je me donnerai. Je me connais, cela mérite réflexion ; ou plutôt il n’en faut pas faire et donner tête baissée dans ce nouveau piège que me tend mon étoile ; la sienne n’