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Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/297

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doit-il pas arriver surtout que, parce qu’un seul a soif, on donne à boire à cinquante qui n’en ont pas besoin ? Pour éviter ces fausses directions, il faudrait que chaque enfant eût à côté de lui un homme exprès chargé de l’étudier et de le former. Et même ainsi, on n’éviterait pas, quant aux connaissances, les inconvénients de l’uniformité de conduite. Le jeune homme qu’on destine à la robe se trouve élevé comme le militaire, et le militaire comme l’ecclésiastique. Aucun n’est préparé à son état. On parle de l’émulation : qui ne sait que l’émulation n’existe, à vrai dire, qu’entre trois ou quatre écoliers, entre lesquels elle dégénère le plus souvent en mauvais amour-propre et en jalousie immodérée ? — Ces raisons, qui n’étaient pas toutes incontestables, mais que Mme d’Épinay développait avec une vivacité incisive, l’avaient sans doute profondément convaincue, car elle ne revint jamais de son idée ; malheureusement elles n’avaient pas la même prise sur M. de Bellegarde et sur son mari. M. de Bellegarde et M. d’Épinay avaient été au collège, leurs aïeux aussi : pourquoi l’enfant n’irait-il pas à son tour ? Et il y était entré, en effet. Puis il en était sorti, pour y rentrer encore. Le mode de son éducation changeait — triste effet de la désunion des cœurs et des idées — suivant que c’était le crédit du père ou celui de la mère qui l’emportait.

Le programme des leçons qu’il recevait n’était pas moins exposé à varier. « Qu’il sache bien lire, bien écrire, disait Duclos ; occupez-le sérieusement à l’étude de sa langue ; il n’y a rien de plus absurde que de passer sa vie à apprendre les langues étrangères et à négliger la sienne. Il ne s’agit pas d’en faire un Anglais,