Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/332

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étalage ou seulement la libre expansion d’une émotion trop vive la choque ; elle craint les emportements : « Si l’on peut imposer des silences à la sensibilité, une fois déchaînée, on ne peut lui marquer des bornes : il faut modérer ses affections comme ses espérances. » Elle veut qu’en toute chose la femme s’enveloppe de modestie et se voile de pudeur : « Heureuse qui n’a jamais trouvé de plaisir que dans des mouvements raisonnables : c’est le moyen de s’amuser toute sa vie ! » Elle ne croit point que les passions soient dans la nature de l’homme, encore moins qu’elles contribuent à son bonheur. « On ne cesse de répéter que les hommes ont besoin de passions pour être heureux ; cela me rappelle ces planches de plantes de fraxinelles auxquelles on met le feu deux fois par semaine pour les faire croître ; ce n’est pas ainsi que l’on cultive les rosiers et les lis. » Elle le déclare enfin : toute cette métaphysique de sentiment, inventée pour justifier les dérèglements de l’âme, est malsaine. « Les Français traitent les femmes comme les Egyptiens faisaient leurs légumes : ils les adorent. » Ce dont elles ont besoin, c’est qu’on les respecte.

La marque et la sanction de l’égalité morale à laquelle elles ont droit est le mariage. Les Réflexions sur le divorce sont, en quelque sorte, le testament de Mme Necker. Elle y a rassemblé tout ce que son expérience lui avait fourni de plus décisif sur la dignité de son sexe ; et dans tout le cours de son argumentation si pressante, parfois même trop voisine de la déclamation, elle subordonne le sentiment à la raison. Les meilleurs ménages, à son sens, étaient ceux qui « à l’origine sont formés par la conformité des goûts et