Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/334

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sont pour l’un et l’autre sexe le prix du devoir fidèlement accompli.

Ce qu’elle condamne d’ailleurs dans l’exaltation du sentiment, ce ne sont pas seulement les désordres auxquels sur le moment il expose, c’est la faiblesse irrémédiable qui en est la conséquence nécessaire. Mme Necker en fait l’observation profonde : la vie des femmes manque généralement d’ensemble ; elles se dépensent au jour le jour, sans direction, sans suite, au gré de leurs émotions ou des émotions des autres, n’ayant pas même le plus souvent leurs défauts en propre. Je ne crois pas que personne ait jamais été plus frappé de ce que ces habitudes de dépendance et d’incohérence ont de funeste pour le tempérament de l’esprit ; elle allait jusqu’à refuser le génie à Rousseau, parce « qu’il n’était jamais en accord avec lui-même. » « On ne possède, disait-elle, de vraie puissance sur soi qu’après s’être fait comme une trame de pensées sur tous les objets importants, un système d’idées, d’opinions et de conduite dont on ne s’écarte jamais ; c’est le fruit de nos réflexions qu’on grossit tous les jours en y réunissant et, si j’osais, je dirais en y accrochant ce qu’on entend dire et ce qu’on lit par les points qui se rapprochent de nos idées permanentes ; on ne retient les choses qu’autant qu’on a la chaîne qui les précède : c’est cet enchaînement qui fait la sûreté et comme la preuve des idées qu’on acquiert. » Sur cette base de réflexions qui se tiennent, Mme Necker fondait l’idée du lendemain à préparer, de l’avenir à faire sortir du présent, des arrière-plans et de la perspective à donner à l’existence : « au lieu de rivaliser sur l’heure avec Céphyse, employons le temps où elle est plus belle que moi