Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/357

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qu’elle remercie « de lui en avoir fait connaître les ineffables délices. » Les tableaux qu’elle trace de sa vie de famille durant les années qu’elle habitait Lyon et Villefranche, sont d’une gravité simple et aimable. « Assise au coin du feu, écrit-elle à Bosc (10 novembre 1786), après une nuit paisible et les soins divers de la matinée, mon ami (on sait que c’est ainsi qu’elle appelait Roland) à son bureau, ma petite à tricoter, et moi causant avec l’un, veillant l’ouvrage de l’autre, savourant la jouissance d’être bien chaudement au sein de ma petite et chère famille, tandis que la neige tombe sur tant de malheureux accablés de misère et de chagrins, je m’attendris sur leur sort ; je me replie délicieusement sur le mien et je compte en ce moment pour rien les contrariétés de relations ou de circonstances qui sembleraient quelquefois en altérer la félicité… J’ai eu à la maison pendant deux mois une femme étonnante ;… mais il faut reprendre sa façon d’être accoutumée. Nous sommes entre nous et je me trouve avec bonheur dans mon petit cercle, le plus près du centre ; je me renferme dans cette solitude pour tout l’hiver. » Rentrée à Lyon, plus tard à Paris, avant l’entrée de Roland au ministère, elle ne se laisse jamais tellement ressaisir par les obligations du monde qu’elle ne continue de s’associer aux travaux de son mari et de s’occuper de l’éducation de sa fille. Elle avait entrepris de la nourrir. C’est elle qui l’élève, et elle n’est jamais plus satisfaite que lorsqu’elle peut dire : « Voici un mois pendant lequel Eudora n’a pas passé une heure avec les domestiques. » À Sainte-Pélagie, sachant que Roland est en sûreté et sa fille en bonnes mains, elle se sent non seulement l’esprit soulagé, mais l’âme presque riante.