Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/368

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À rassembler ces traits, qui ne croirait que l’âme de Rousseau eût passé tout entière dans la sienne ? Qui ne s’attendrait à trouver dans ses idées sur l’éducation des femmes la confirmation des vues de la Nouvelle Héloïse et de l’Émile, si la fermeté même et l’indépendance de ses sentiments personnels ne mettaient tout d’abord en éveil ? Dans le piquant récit de sa visite à la rue Plâtrière, elle rapporte que Thérèse refusa de croire que la lettre qu’elle avait adressée à Rousseau fût de sa main : « Pardonnez-moi,… mais l’écriture seule annonce une main d’homme. — Voulez-vous me voir écrire ? — Non. » Et la porte de se refermer. Que si par bonheur elle se fût ouverte et qu’introduite devant Rousseau, il l’eût questionnée, comme il était naturel, sur ses études et ses lectures, quel n’eût pas été son étonnement de l’entendre exposer, comme elle l’explique à bâtons rompus dans ses Mémoires et dans ses Lettres, la façon dont son éducation s’était faite ! Elle n’avait pas dix ans qu’elle avait déjà épuisé les armoires de la maison paternelle, dévorant, au hasard de l’occasion, tout ce qui lui tombait sous la main : la Bible, Appien, un Théâtre de la Turquie, le Roman comique de Scarron, les Mémoires de Pontis et ceux de Mlle de Montpensier, un Traité de l’art héraldique, un Traité des contrats, dérobant aux apprentis, le soir ou aux heures de repas, quand il n’y avait plus personne à l’atelier, les livres qu’ils déposaient dans