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Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/49

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par les rues suivie de commissaires et de sergents pour y mettre la police, haranguer devant les juges en qualité d’avocat, être assise au tribunal pour y rendre la justice à la tête d’un parlement, conduire une armée et livrer une bataille, faire office de pasteur ou de ministre, parler devant les républiques ou les princes comme chef d’une ambassade, ce n’est que faute d’habitude, on s’y ferait. » Sans doute il ne faut pas prendre la thèse au sérieux ; il est évident que Poulain de La Barre s’amusait de ses propres arguments. Ce n’était pas toutefois un pur jeu d’esprit. Moins d’une année avant la publication de l’Éducation des filles, un juge grave et éclairé, pénétré des mêmes idées que Fénelon, son compagnon de mission en Saintonge et plus tard son collaborateur dans l’éducation du duc de Bourgogne, l’abbé Claude Fleury, pouvait dire sans crainte d’être démenti : « Ce sera sans doute un grand paradoxe de soutenir que les filles doivent apprendre autre chose que leur catéchisme, la couture et divers petits ouvrages : chanter, danser et s’habiller à la mode, faire bien la révérence et parler civilement : car voilà en quoi consiste, pour l’ordinaire, toute leur éducation[1]. » On avait érigé l’ignorance en système, isolé les femmes dans l’insignifiance et l’oisiveté ; par un autre abus, on les jetait aux extrêmes d’une égalité chimérique et d’une émancipation désordonnée. Rien ne paraissait à l’auteur du Grand Cyrus moins digne d’une dame que d’être « la femme de son mari, la mère de ses enfants, la maîtresse de sa famille. »

  1. Traité du choix et de la méthode des éTudes, par Claude Fleury. Paris, 1686. Voir page 14, note.