Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/81

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père se repose sur elle, comme un voyageur abattu par les ardeurs du soleil se repose à l’ombre sur l’herbe tendre… Son esprit, non plus que son corps, ne se pare jamais de vains ornements ; son imagination, quoique vive, est retenue par sa discrétion : elle ne parle que pour la nécessité ; et, si elle ouvre la bouche, la douce persuasion et les grâces naïves coulent de ses lèvres. Dès qu’elle parle, tout le monde se tait, et elle en rougit ; peu s’en faut qu’elle ne supprime ce qu’elle a voulu dire, quand elle aperçoit qu’on l’écoute si attentivement. À peine l’avons-nous entendue parler. » L’image certes est poétique, et sur plus d’un point elle traduit la pensée de Fénelon avec une fidélité aimable. Mais est-ce bien la personnification de la vie ? Cette activité si discrète, si pudique, si parfaite, qui semble finalement se perdre dans une sorte de béatitude silencieuse, ne rappelle-t-elle pas plutôt celle des ombres glissant avec mystère dans les bocages des champs Élysées sous les rayons de « la lumière douce et pure qui les environne comme d’une gloire, les pénètre et les nourrit » ? Et quand, un peu plus loin, Fénelon nous montre Antiope apparaissant dans la tente d’Idoménée, la taille haute, les yeux baissés, couverte d’un grand voile, ne dirait-on pas un beau marbre antique sculpté de la main de Phidias ? Ce ne sont point là les conditions véritables de l’activité humaine. J’aime mieux, quant à moi, me représenter la jeune femme élevée par Fénelon telle qu’il la peint lui-même, en traits fermes et précis, dans le cadre de gentilhommière provinciale où il la place : levée de bonne heure pour ne pas se laisser gagner par le goût de l’oisiveté et l’habitude de la mollesse ; arrêtant l’emploi de sa journée