Page:Grégoire - De la littérature des nègres.djvu/127

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Les mêmes vertus éclatent dans ce que racontent des Nègres, Hilliard-d’Auberteuil, Falconbridge, Grandville-Sharp, Benezet,

    lons voir la centenaire, dit quelqu’un de la compagnie, et l’on s’avança jusqu’à la porte d’une petite hutte où je vis paroître, l’instant d’après, une vieille Négresse du Sénégal, décrépite au point qu’elle étoit pliée en double, et obligée de s’appuyer sur les bordages de sa cabane, pour recevoir la compagnie assemblée à sa porte, et en outre presque sourde, mais ayant encore l’œil assez bon. Elle étoit dans le plus extrême dénuement, ainsi que le témoignoit assez tout ce qui l’entouroit, ayant à peine quelques haillons pour la couvrir, et quelques tisons pour la rechauffer, dans une saison dont la rigueur est si sensible pour la vieillesse, et pour la caste noire surtout. Nous la trouvâmes occupée à faire cuire un peu de riz à l’eau pour son souper, car elle ne recevoit de ses maîtres aucune subsistance réglée, ainsi que son grand âge et ses anciens services le requéroient. Elle étoit, au surplus, abandonnée à elle-même, et dans cet état de liberté que la nature, épuisée en elle, avoit obligé ses maîtres à lui laisser, et dont en conséquence elle lui étoit plus redevable qu’à eux. Or il faut apprendre au lecteur, qu’indépendamment de ses longs services, cette femme, presque centenaire, avoit anciennement nourri de son lait deux enfans blancs, parvenus à une parfaite croissance, et morts avant elle, les propres frères d’un de