Page:Grégoire de Nysse - Discours catéchétique, 1908.djvu/143

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mettent à notre portée d’en démontrer la supercherie. Il est bon aussi, ce me semble, d’invoquer sur ce point l’Apôtre lui-même, à l’appui de l’accusation que nous portons contre eux. Il distingue en effet, dans son discours aux Corinthiens, les âmes de condition charnelle et les âmes de condition spirituelle, montrant, à mon avis, par ces paroles, que ce n’est pas au moyen de la sensation qu’il convient de juger le bien ou le mal, mais qu’il faut dégager son esprit des phénomènes corporels pour distinguer, dans leurs caractères propres, la nature du bien et celle du mal. « L’homme spirituel, dit-il en effet, [I Cor., ii, 15] juge de tout. »

[3] Voici, selon moi, ce qui a fait naître dans l’esprit de ceux qui émettent de semblables idées, ces doctrines fantaisistes : ils définissent le bien d’après le plaisir de la jouissance corporelle ; comme la nature du corps est nécessairement soumise aux accidents et aux infirmités, puisqu’elle est composée et entraînée vers la dissolution, et que des accidents de ce genre s’accompagnent, dans une certaine mesure, d’une sensation douloureuse, ils pensent que la création de l’homme est l’œuvre d’un Dieu méchant. Si leur intelligence avait su regarder plus haut ; si, dégageant leur esprit de toute disposition voluptueuse, ils avaient porté des yeux libres de passions vers la nature de la réalité, il n’auraient pas cru à l’existence du mal en dehors du vice. Tout mal se caractérise par la privation du bien, sans avoir d’existence propre, ni se présenter à la pensée comme une réalité ; aucun mal, en effet, n’existe en dehors de la volonté, mais c’est l’absence du bien qui lui donne son nom. Or, ce qui n’est pas n’a pas de réalité, et ce qui n’a pas de