Page:Grégoire de Nysse - Discours catéchétique, 1908.djvu/217

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à l’insu de l’ennemi, Dieu a eu recours, en un sens, à une tromperie et à un procédé captieux, puisque le propre des trompeurs est de détourner l’attente de ceux que visent leurs machinations et d’agir contre cette attente. Mais si l’on considère la vérité, on reconnaîtra jusque-là une preuve suprême de la justice et de la sagesse divines.

[2] C’est en effet le propre d’une nature juste de donner à chacun selon son mérite, et d’une nature sage de ne pas faire dévier la justice, tout en ne séparant pas des décisions de la justice les bienveillantes intentions de l’humanité, mais de concilier adroitement les unes et les autres, en rendant, selon la justice, ce qui est mérité, et en restant, par la bonté, dans les intentions de l’humanité. Examinons donc si ces deux caractères ne s’observent pas dans les faits accomplis.

[3] L’action de payer le trompeur selon son mérite en le trompant à son tour, montre la justice, et l’intention du procédé atteste la bonté de son auteur. Le propre de la justice, en effet, est d’attribuer à chacun les résultats dont il a auparavant posé les fondements, et semé les causes [Gal., vi, 7], de même que la terre rend des fruits en rapport avec la nature des semences qui y ont été jetées. Le propre de la sagesse, d’autre part, est de ne pas s’écarter, dans la façon dont on rend la pareille, de l’amélioration qu’on se propose. [4] L’empoisonneur et le médecin qui traite la victime d’un empoisonnement mélangent également une drogue à sa nourriture, mais entre les mains du premier, c’est le poison, dans celles