caché dedans ſa grote, & le voiant entre des brouſſailles couvert de peaux, ils le prirent d’abord pour une beſte ſauvage ; mais quand ils ſe furent approchez de lui, ils reconnurent ſa ſainteté, & furent heureusement changez ; puis qu’ils quitterent leur humeur brutale pour ſe reveſtir de la douceur & de la pieté chreſtienne.
Le nom de S. Benoiſt ſe répandit aprés cela par toute la contrée, beaucoup de perſonnes le viſiterent, luy ſournirent la nourriture du corps, & receurent de luy la parole de Dieu, ce pain de vie qui nourrit l’ame.
E jeune Saint aiant pris une ſorte reſolution de quitter ſes études. S. Benoiſt ne prit pas une reſolution ſi genereuſe par legereté, ni par un mouvement de ſon inclination naturelle : car les enfans de ſon âge n’en ſont pas capables ; & la ſeule veuë d’une entrepriſe ſi diſſicile ſurprend & épouvante les hommes les plus courageux. Ce fut donc une impulſion du Saint Eſprit, un effet de la grace, & d’une grace extraordinaire. Comme Dieu ſeul eſtoit le motif qui le détachoit des grandeurs & des douceurs du monde, il eſtoit auſſi le ſeul auteur de ſa retraite ; la chair, le ſang, & toute la nature n’y eurent aucune part. Le meſme Eſprit Saint, qui l’avoit prévenu dans le ſein de ſa mère, voulut eſtre lui-meſme ſon directeur, & le maiſtre d’un enſant, qu’il avoit destiné pour eſtre le Docteur du monde & le Legiſlateur des Solitaires. C’est ainsi que le Pape Eſtienne III. & le venerable Bede ont nommé S. Benoiſt.