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SUZANNE NORMIS.

qu’elle connût l’émotion de se sentir demandée ; j’avais exigé qu’elle pût peser la valeur d’une parole d’amour, — le tout au grand scandale de ma belle-mère.

— Mais, mon gendre, s’était-elle écriée, cela ne s’est jamais vu ! C’est monstrueux !

— Qu’est-ce qui est monstrueux ? De laisser Suzanne juger par elle-même de l’impression que lui fait celui qui sera son mari ?

— On ne peut pas permettre aux jeunes filles de parler de ces choses-là avec les hommes…

— Avant le mariage ou après ?

Ma belle-mère m’eût envoyé au diable si cette expression vulgaire n’eût pas choqué ses principes rigides. Mais je tins bon, comme toujours.

Chacun a plus ou moins sa marotte. J’avais trouvé mon gendre, moi ; — par malheur il ne voulait pas se marier, et décemment je ne pouvais pas aller lui proposer ma fille.

C’était un jeune homme de vingt-cinq ans environ, aimable, bien élevé, bon musicien, joli garçon ; — bref, il avait tout pour plaire. Sa position sociale était d’être, comme il le disait gentiment, avocat sans causes.

— Je serai riche un jour, disait-il, avec une bonne grâce parfaite, à ceux qui lui demandaient