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SUZANNE NORMIS.

retenir un soupir de satisfaction, lorsque je lui eus tourné le dos pour aller me coucher.

J’étais dans ma chambre depuis cinq minutes, et je méditais assez tristement, lorsque Suzanne entra sur la pointe du pied. Elle était encore tout habillée, et un incarnat plus foncé que de coutume nuançait le haut de ses joues.

— Je suis venue t’embrasser encore une fois, mon petit père, me dit-elle tout bas. Es-tu bien ? as-tu tout ce qu’il te faut ?

— Oui, oui. Assieds-toi un peu, et causons.

— Oh ! non ! je ne peux pas. Il ne faut pas que je fasse attendre mon mari. Je me suis sauvée en cachette, il fait sa ronde tous les soirs et ferme les portes, et il n’aime pas à attendre.

Elle me jeta les bras autour du cou et disparut.

Je me couchai dans un grand lit qui avait l’air d’un catafalque, et je cherchai à résumer mes impressions de la journée.

— Il y a beaucoup de choses que mon gendre n’aime pas, me dis-je enfin ; et moi, ajoutai-je avec la franchise d’un aveu assez longtemps réprimé, je n’aime pas du tout mon gendre !

Ce n’est pas cette réflexion-là qui pouvait me procurer le sommeil ; aussi je ne dormis guère.