Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
SUZANNE NORMIS.

ser que de faire un discours. Quand elle eut renoué le fil de ses idées :

— À pied ! dit-elle, et à cette heure-ci ! Est-il possible ! Attendez, je vais vous faire du café. Où sont vos bagages ? Je vais appeler les filles…

Je lui mis la main sur le bras.

— Cousine Lisbeth, ne faites pas de bruit ; personne ne nous a vus entrer. Personne ne sait que je ne suis pas remarié. Suzanne passera ici pour ma femme.

— Et pourquoi, Seigneur Dieu ? fit la cousine épouvantée.

— Parce que j’ai volé ma fille à son mari, parce que le lâche l’a frappée, parce qu’elle en serait morte, et que je veux qu’elle vive !

Les bras de Lisbeth retombèrent à son côté :

— Oh ! la pauvre mignonne, dit-elle, c’est donc pour cela qu’elle est si pâle ! Vous avez bien fait, cousin. On dira comme vous voudrez, mais je vais toujours vous faire du café.

Quelle heure bénie que celle qui suivit ! Suzanne, déjà remise par ce bon accueil, souriait doucement au fond du vieux fauteuil de tapisserie que Lisbeth avait traîné auprès du feu ; une gerbe de flammes gaies et pétillantes, sans cesse avivée par les fagots que la cousine y jetait