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ROMAN D’UN PÈRE.

connus aussi que, si Suzanne avait donné le meilleur de son âme à ce jeune homme, elle m’avait gardé pour dédommagement toutes les adorables caresses, toutes les grâces charmantes que j’avais chéries en elle dès l’enfance. À Maurice, elle avait donné sa vie, mais tous ses regards, toutes ses tendresses étaient pour son vieux père. C’est ainsi qu’elle me remerciait de lui avoir laissé son bonheur.

Suzanne se remit bientôt : à vingt ans, le corps est si souple et si résistant ! Il faut si peu de chose pour lui rendre son élasticité ! À la fin de la semaine, elle put marcher dans le jardin et rester quelques heures au grand air sans trop de fatigue. Rien n’était changé dans ses relations avec Maurice. Ils se parlaient très-peu et paraissaient absolument satisfaits de leur sort. Elle lui tendait la main le matin et le soir, — il la laissait retomber aussitôt, — un indifférent n’eut jamais pensé qu’ils s’aimaient… et moi, sous cette glace, je voyais couver, grandissant chaque jour, une passion irrésistible qui menaçait de nous engloutir tous dans quelque catastrophe. J’étais résolu à n’être pas complice de la chute de ma fille. Le jour où j’aurais la certitude qu’il s’était passé entre eux quelque chose