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ROMAN D’UN PÈRE.

qui dut lui paraître long. Tout à coup une idée me vint :

— Il faut courir après votre contrebandier et lui dire de tenir une barque prête pour nous, afin que nous quittions le pays sans perdre un moment. Allez, dépêchez-vous ! Payez ce qu’on vous demandera, et dites que c’est une fantaisie de touriste. Mais allez donc !

— Monsieur, bégaya Pierre, les yeux pleins de larmes, alors, comme ça, Félicie et moi nous ne nous marierons pas ? Puisqu’il faut six mois de domicile, ce sera toujours à recommencer, et nous serons vieux avant que monsieur ait choisi un endroit pour y rester.

Nous serons vieux ! Il se croyait jeune, vraiment ! mais je n’avais ni le temps de rire de lui, ni la gaieté nécessaire. J’eus pitié de sa peine pourtant ; il m’avait servi fidèlement depuis bien des années, et je n’avais pas le droit de sacrifier à mes besoins le bonheur de cet honnête serviteur. D’ailleurs, il y avait un moyen bien simple de tout arranger.

— Nous partirons sans vous, dis-je ; vous vous marierez ici, et vous viendrez nous rejoindre en Angleterre. Si l’on vient nous relancer ici, vous ne nous avez pas vus ; vous serviez