Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
315
ROMAN D’UN PÈRE.

Les agents terrifiés s’arrêtèrent au bord de l’abîme nouvellement creusé ; la terre, minée par la tempête de la veille, avait cédé sous le poids du misérable, précisément à l’endroit où il avait démoli cruellement le parapet protecteur élevé par Maurice. Au hurlement du malheureux, au cri d’horreur des survivants, Suzanne et Maurice, qui couraient dans la direction opposée, se retournèrent : ils restèrent pétrifiés. Les agents descendirent aussitôt, le secours fut promptement organisé ; mais quand on remonta mon gendre au haut de la falaise, ce ne fut qu’un cadavre. La mort avait été instantanée, car ces rochers sont autant de pointes d’aiguilles.

Je ne sais ce que pensaient les autres ; pour moi, j’étais complètement incapable de réfléchir. La disparition subite de cet homme dans notre existence était une délivrance si inattendue que mon cerveau ébranlé fut quelque temps à s’en remettre.

— Je ne l’ai pas tué, n’est-ce pas ? dis-je machinalement dès le premier choc.

— Mon bon monsieur, vous n’avez pas tiré cette fois ; j’en porterai témoignage si vous voulez, me dit mon Normand, sortant soudain de dessous une pierre.