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SUZANNE NORMIS.

tion étrangère qui m’apprit à vouloir fermement, ce fut ma mignonne Suzanne, que j’adorais, et l’adoration est un déplorable système d’éducation.

Dans mon grand désir de la voir heureuse, j’avais oublié que sa mère, — qui savait aimer, elle, — avait dû résister quelquefois à de petits caprices, de légers moments d’humeur ; moi, aveugle dans ma tendresse, j’avais tout accordé, me faisant patient et débonnaire, de peur de me voir quinteux et violent. Le résultat fut complètement opposé à mes prévisions, mais il dut remplir d’aise le cœur de ma belle-mère, car Suzanne ne mit pas dix-huit mois à devenir insupportable.

C’est alors que je voulus déployer la fermeté nouvellement acquise, dont j’étais si fier ; mais Suzanne n’entendait pas de cette oreille-là. Ma première révolte, — car les rôles étaient intervertis, et c’est moi qui me révoltais contre sa tyrannie, — ma première révolte la plongea dans une profonde stupéfaction :

— Mais, papa, dit-elle, tu ne comprends pas ; je veux aller me promener !

— Je comprends très-bien, mais tu es enrhumée, et tu ne sortiras pas.