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ROMAN D’UN PÈRE.

madame Gauthier, qui m’avait écouté sans sourciller, est un grand défaut chez un enfant, et surtout chez une fille. Il faudrait absolument en corriger Suzanne.

Je ne trouvais pas cette sauvagerie aussi malséante que voulait bien le dire madame Gauthier, et je hasardai avec douceur :

— Sa mère était un peu sauvage aussi, et cependant…

— Ma fille était un ange, mais cette malheureuse timidité lui a fait beaucoup de tort, reprit dogmatiquement madame Gauthier.

Le silence est l’arme des faibles, et je n’étais jamais le plus fort avec ma belle-mère ; aussi je me gardai bien de rien dire.

— Puisque vous avez amené vous-même ce sujet de conversation, mon gendre, poursuivit madame Gauthier, je vous dirai qu’à mon avis, il est grand temps de mettre Suzanne en pension.

— En pension ! m’écriai-je en bondissant sur ma chaise.

— Eh ! oui, en pension ! On n’en meurt pas ! Sa mère a été élevée en pension ! Qu’avez-vous à me regarder de la sorte ? Vous étiez-vous imaginé de aire à vous seul l’éducation de ma petite fille ?