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SUZANNE NORMIS.

blait pénétrée de ma présence. C’était une sorte d’extase muette, dont j’étais la victime, mais non la dupe. Heureusement les spectateurs de ce drame intime n’avaient pas les facultés nécessaires pour en constater la marche.

Quand ma belle-mère jugea que la poire était mûre, elle vint chez moi pour secouer le poirier.

— Depuis quelque temps, mon gendre, me dit-elle, je me reproche de ne pas vous avoir parlé à cœur ouvert… Il y a des mères qui ont des préjugés ; mais moi, voyez-vous, j’envisage la vie sous un point de vue plus élevé…

Je me gardai bien de l’interrompre, et elle continua sans paraître embarrassée :

— Vous êtes jeune, mon gendre, vous avez à peine trente-cinq ans… L’idée pourrait vous venir de vous remarier…

Je me taisais, mais une sorte d’indignation qui ne présageait rien de bon me montait à la gorge.

— Vous avez témoigné, continua-t-elle, le désir de vous occuper spécialement de l’éducation de Suzanne, mais c’est là, je pense, une de ces résolutions qui ne tiennent pas devant les nécessités de la vie sociale. Le jour où vous vou-