Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
SUZANNE NORMIS.

qui ne fait qu’ajouter un peu de luxe autour de nous, rester attaché à une chaîne ? Coupons la chaîne, arrière le boulet ! Suzanne sera toujours assez riche avec mes soixante-cinq mille francs de revenu !

Je donnai ma démission, et jusqu’à ce jour je bénis la bonne pensée qui m’inspira cette démarche.

Nous étions donc à la campagne, libres comme les oiseaux de notre parc, et presque aussi joyeux. Certes, ma vie était triste ; à tout moment, malgré les années qui s’écoulaient, je me prenais à chercher ma femme auprès de moi ; mais, dans mon chagrin, j’éprouvais une sorte d’apaisement, qui bien certainement venait d’elle. Je sentais que vivante, elle eût fait ce que je faisais, et je me répétais chaque soir : Je tiens ma promesse, et Suzanne est heureuse.

Oui, parfaitement heureuse. Elle apprenait tout sans effort, sa mémoire docile la servait à souhait, son intelligence la rendait apte à tout concevoir, je ne rencontrais qu’une difficulté : l’empêcher d’apprendre trop et trop vite, afin de ne pas fatiguer ce jeune cerveau. Mais là encore elle était docile, et quand je disais ; C’est assez ! elle reposait parfois le livre sur la