Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
ROMAN D’UN PÈRE.

fis un effort et posai une question vitale que notre ami de vingt ans devait comprendre.

— Dois-je marier Suzanne ? dis-je d’une voix que je sentais altérée.

— C’est dur ! murmura le vieux médecin, une enfant à qui vous avez tout sacrifié…

— Est-elle trop jeune ?

— Hem ! on attendrait encore bien une couple d’années !

— Vivrai-je autant que cela ?

Il ne répondit pas d’abord, puis levant sur moi son honnête regard :

— Je n’en sais rien ! répondit-il franchement.

— Croyez-vous qu’elle puisse se marier ? est-elle assez bien portante pour supporter les fatigues, — le cœur me manquait, je baissai la voix, — et les chagrins du mariage ?

— Elle est solide, Dieu merci ! s’écria le docteur.

— C’est bien, mon ami, je vous remercie, dis-je en serrant la main de mon vieux conseiller.

Je sortis navré.

Ce n’était rien de penser à ma solitude, à l’abandon de mon foyer, à l’isolement de mes vieux jours… Mais elle, Suzanne, serait-elle heu-