Aller au contenu

Page:Grad - L'Alsace, le pays et ses habitants - 1909.pdf/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fois séculaires, d’une hauteur telle que le regard ne l’atteint pas, d’une taille que trois hommes ne peuvent embrasser. Pas un rayon de soleil ne passe à travers les dômes épais d’aiguilles touffues. C’est à peine si quelques rares gouttes y descendent. Un calme solennel vous entoure, interrompu seulement par le bruissement des cimes invisibles. Celui qui, en présence de pareils aspects, n’éprouve pas un sentiment de piété, celui-là est le jouet d’une légèreté incorrigible et ne possède pas une étincelle du feu divin de la poésie.

Et quand les grands sapins étagés dans les profondeurs des vallées viennent à escalader les pentes en s’éclaircissant davantage, leur position élevée semble accroître leur taille. Ils montent superbes dans l’azur du ciel ou dans l’air chargé de brouillards. Beaucoup se tiennent audacieusement sur les rochers, où la subsistance semble devoir leur manquer. Étreignant leur base avec force contre leurs vigoureuses racines, ils bravent les tempêtes et la foudre. Aujourd’hui les beaux arbres de nos forêts sont en train de partir par les nouvelles routes qui ne connaissent plus d’obstacle. Quelques générations encore, et, si l’État n’intervient pas en conservateur, les sujets de fortes dimensions n’existeront plus que dans nos souvenirs.

Sous le régime français, les coupes se faisaient, dans les forêts de l’État, par les adjudicataires du bois. L’administration allemande se charge actuellement elle-même de l’abatage pour vendre les bois débités en bûches, en grumes ou en troncs entiers, suivant les besoins du commerce. Entre les deux systèmes, le second paraît présenter le plus d’avantage, sinon pour le profit immédiat, du¸ moins pour le repeuplement et la conservation des forêts. L’administration forestière construit même des scieries pour la confection des planches. Situées dans des endroits pittoresques, ces scieries que nous rencontrons dans toutes nos courses de montagnes ne manquent pas de charme avec leurs cheminées fumantes a au milieu de la verdure. Elles se tiennent naturellement au bord d’un torrent ou d’un ruisseau, sur les points où la chute est suffisante et au milieu des bois qui doivent les alimenter. Presque jamais la scierie ne chôme, ni les jours de fête ni la nuit. Son bruit monotone se mêle au grave murmure du flot sauvage. Quand vous descendez la nuit, par le chemin de la vallée, la lampe du scieur, allumée dès qué l’ombre enveloppe les montagnes, projette ses lueurs et brille à travers les rameaux comme une étoile propice.

Quelques chiffres touchant la statistique des forêts de l’Alsace-Lorraine seraient ici à leur place. Sur une superficie totale de 1 450 810 hectares, notre pays présente 446 270 hectares de forêts, soit 30 pour 100 de sol boisé sur l’ensemble du territoire et 29 ares par tête d’habitant. Sur cette étendue de 446 270 hectares de