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Page:Grad - L'Alsace, le pays et ses habitants - 1909.pdf/7

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nourrir, sur l’ensemble du territoire, toutes les récoltes d’un sol riche. Telle nous apparaît l’Alsace aujourd’hui, telle elle a été hier. Présenter ce tableau du pays, c’est vous dire son histoire, c’est vous montrer dans sa fortune la source de ses malheurs : un trésor, un joyau convoité, hélas ! et toujours disputé par les nations voisines.

Et si ce pays vous intéresse assez pour désirer le voir et le connaître mieux, voici mes titres pour vous y conduire. Enfant, j’ai appris sur les genoux de ma mère ses traditions et son histoire. Aux jours de ma jeunesse, j’ai scruté sa nature sous ses aspects si variés et par tous les chemins. Arrivé à l’âge d’homme, j’ai repris ces mêmes chemins sous les coups de l’étranger pour disputer son territoire à l’invasion dans une lutte inégale. Puis, la conquête accomplie, malgré notre résistance, malgré tant de larmes et de sang versés, après des déchirements douloureux, j’ai été appelé à soutenir ses droits, à défendre ses libertés et son honneur dans les assemblées du peuple. Tout ce que vous voudrez savoir sur mon Alsace, nous l’apprendrons, certains de trouver toujours des amis prêts à suppléer à mon insuffisance la où je ne serai pas suffisamment renseigné. Partout, d’un bout à l'autre du territoire, nous trouverons aussi des maisons hospitalières pour nous faire bon accueil, au milieu de nos courses à travers un domaine dont nous possédons les cœurs. Ne vous préoccupez donc ni du gîte, ni de la route, ni d’aucun préparatif embarrassant Pour partir, il nous suffit d’avoir le sac au dos, des jambes pour marcher, deux yeux pour voir, un peu de curiosité, une provision de bonne humeur, d’être bien dispos, prêts a tout. Comme prix de sa peine, ou plutôt pour ajouter à son plaisir, votre guide, que voilà, vous demande de lui répéter tout bas, mais souvent, que ce pays que nous allons visiter, vous en garderez bon souvenir, que vous l’aimerez comme il l’aime, d’une affection inaltérable, comme tout le monde doit l’aimer.

II

STATION DE DËPART — À TURCKHEIM.

Naturellement nous commençons nos courses en zigzags en partant de chez moi. Mon chez moi est Turckheim, petite ville assise a l’entrée du val de la Fecht, non loin de Colmar. Voici la maison où je suis né, dans la rue qui passe devant la mairie et l’église. La flèche aiguë du clocher pointe de loin au-dessus des autres constructions, sans pourtant trancher sur le fond de montagnes, à cause de sa couleur terre. Trois grandes et grosses tours carrées, percées de portes, réunies par