Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/10

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afin de la reléguer dans l’ombre, sinon de l’écarter tout à fait. Si les penseurs équitables lui accordent d’avoir introduit dans le monde l’idée monothéiste et une morale pure, bien peu apprécient la haute portée de ces concessions. On ne s’explique pas comment l’un des deux peuples créateurs, avec sa riche et merveilleuse organisation, a pu mourir, tandis que l’autre, si souvent à deux doigts de la mort, est toujours resté sauf, a parfois même acquis une vitalité nouvelle.

Quelque attrayante que fut la mythologie des Grecs, quelque enchanteresse leur imagination, quelque vivifiante leur philosophie, elles leur firent défaut aux jours du malheur, alors que les phalanges macédoniennes et les légions romaines leur montrèrent la vie, non plus riante, mais sombre et grave. Ils maudirent alors leur brillant Olympe, et leur sagesse se tourna en folie. C’est seulement dans le malheur que les peuples, comme les individus, montrent ce qu’ils valent. Or, les Grecs ne possédaient pas la constance nécessaire pour survivre à l’infortune et rester fidèles à eux-mêmes. Pourquoi les Grecs ont-ils succombé eux qui, à côte du métier des armes, vivaient ainsi pour l’idée ? C’est qu’ils n’avaient pas assigné à leur vie un but, un but déterminé et réfléchi.

Ce but, cette tâche vitale, le peuple hébreu l’avait, lui ! C’est par là qu’il est resté uni et que, dans les plus effroyables traverses, il s’est montré fort et vivace. Un peuple qui connaît sa mission est fort, parce que sa vie ne se passe point à rêver et à tâtonner. Le peuple israélite avait pour tâche de travailler sur lui-même, de dominer et de discipliner l’égoïsme et les appétences bestiales, d’acquérir la vertu du sacrifice ou, pour parler comme les prophètes, de circoncire son cœur ; en un mot, d’être saint. La sainteté lui imposait d’austères devoirs, mais elle lui donnait en échange la santé du corps et celle de l’âme. L’histoire universelle l’a démontré. Tous les peuples qui se sont souillés par la débauche ou endurcis par la violence sont marqués pour la mort. Qu’on appelle, si l’on veut, cet objectif du peuple israélite la morale pure ; le mot sera sans doute au-dessous de l’idée, mais il ne s’agit que de s’entendre. Ce qu’il importe davantage de faire ressortir, c’est que le peuple israélite a compris qu’il avait