Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/251

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pas d’embarras. Toutefois, pour se l’attacher plus entièrement, Nabuchodonosor lui fit solennellement jurer fidélité, car il attachait une importance toute spéciale à la tranquille possession du territoire de Juda, véritable avant-poste contre l’Égypte, dont la conquête ne cessait d’occuper sa pensée. C’est en partie pour la même raison qu’il avait banni les nobles et les grands, dont la témérité aurait pu jeter le roi dans les aventures et l’entraîner à la défection. Dans ses calculs, le pays qu’il venait de soumettre ne devait former qu’un modeste et faible État, qui ne pût s’appuyer qu’à lui et de lui seul tirât sa force.

Juda pouvait, au surplus, avec une politique de réserve, subsister encore longtemps et n’eût pas tardé à se remettre de ses blessures. Si douloureux que fût, pour ceux qui demeuraient, le bannissement de tant de familles illustres, âme de la puissance militaire et fleur de la nation, quelque deuil qu’éprouvassent la capitale et la province au sentiment de leur dépendance, elles ne s’en relevèrent pas moins avez une rapidité merveilleuse et regagnèrent même une certain prospérité. Fait à peine croyable il n’y avait pas encore longtemps que le vainqueur avait emporté les trésors du temple et du palais, et les exilés, leurs fortunes particulières, que déjà il renaissait une telle richesse à Jérusalem qu’on put y voir des enfants vêtus de pourpre et estimés à l’égal de l’or. Jérusalem passa jusqu’au dernier moment pour une belle et populeuse ville[4], que ses habitants vantaient comme la couronne de beauté, la joie de tout le pays et la reine des nations.

Mais une situation modeste ne suffisait point aux princes de Juda et de Benjamin ; leurs ambitions allaient plus haut. À Jérusalem, ils dominaient non seulement le peuple, non seulement la cour, mais encore les rois, qui d’ailleurs ne comptaient guère depuis que retirés, comme les Sardanapale, au fond de leurs harems, ils consumaient leurs jours aux occupations les plus futiles. L’usurpation des grands eut d’autant moins de peine à prévaloir que Sédécias, maîtrisé par une pusillanimité peu royale, n’osait même plus les contredire. Ses intentions, au reste, étaient bonnes, il ne favorisa point, ce semble, l’idolâtrie ; au contraire, la corruption des mœurs, lorsqu’on la lui montrait, lui arrachait