Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/257

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puis lui fit à lui-même crever les yeux et renvoya, chargé de chaînes, à Babylone.

Quel allait être le sort de Jérusalem ? Cette infortunée ville était devenue un charnier : Tous ses chemins étaient en deuil, toutes ses portes désolées et toutes ses places désertes. Mais elle était encore debout, les généraux qui l’avaient prise n’avaient pas d’instructions pour décider de son destin. Nabuchodonosor lui-même fut, ce semble, d’abord indécis. Enfin il chargea le chef de sa garde du corps, Nébusaradan, d’aller détruire la capitale vaincue. Aussitôt vinrent se presser, remplis de haine, autour de cet officier, les princes iduméens, qui l’excitèrent à exécuter sans pitié son œuvre d’anéantissement. Détruisez, détruisez-la jusqu’au sol, disaient-ils. Nébusaradan donna l’ordre de jeter bas les murailles, de livrer aux flammes temple et palais et toutes les belles maisons, et on lui obéit consciencieusement (10 Ab – août 586). Ce qui restait des trésors du temple, les colonnes d’airain artistement ouvrées, la mer d’airain, les instruments de musique, tout fut mis en pièces ou emporté à Babylone. Jérusalem n’était plus qu’un amas de décombres et la montagne du temple un emplacement pour une hauteur boisée.

De toutes les grandes cités qui ont régné sur les peuples, et qui, du fait de leur splendeur, sont ensuite tombées dans la poussière du sol, aucune n’a été glorifiée dans sa ruine autant que l’a été Jérusalem. La poésie a traduit les douleurs de cette ville immortelle dans des élégies, des psaumes et des prières d’un accent si sublime, qu’il force encore aujourd’hui la compassion de tout cœur susceptible d’attendrissement. Elle lui a posé sur le front une couronne de martyre, qui s’est changée en une rayonnante auréole.

Jérémie, et un ou deux poètes encore, témoins comme lui de la chute de Jérusalem, ont exhalé leur douleur en quatre chants de deuil, les Lamentations, qui répondent aux phases consécutives de son supplice. Le premier de ces poèmes a été composé immédiatement après la prise de Jérusalem ; la capitale était encore debout ; les murailles, les palais, le temple n’avaient pas été renversés, mais déjà elle était veuve de ses habitants et de ses joies. Il a pour sujet principal l’abandon de la ville et la perfidie des alliés de Juda, qui maintenant se réjouissent de sa ruine.