Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

savaient lire prirent en main les écrits sauvés du naufrage de la nationalité, les méditèrent pour y chercher des enseignements et y puiser des consolations. Ils s’attachèrent principalement aux discours de Jérémie : la douceur et la mélancolie qu’on y sent vibrer s’accordent, en effet, avec les dispositions qu’inspire l’exil. Ces prophéties, apportées d’Égypte par Baruch, devinrent pour eux un livre usuel. Ce que n’avait pu la parole vivante jaillissant de la bouche des hommes de Dieu, la lettre inanimée, conservée sur le parchemin, l’accomplit. L’esprit des prophètes passa dans l’âme des lecteurs, qu’il remplit d’espérances, et la rendit accessible à de meilleurs sentiments.

Pour affermir ce premier retour au bien, les chefs spirituels du peuple employèrent de nouveaux moyens d’enseignement. L’un d’eux, probablement Baruch, composa (vers 555) pour le peuple un livre d’histoire embrassant la longue succession des faits, depuis la création du monde et les origines de la nationalité israélite, jusqu’aux événements contemporains les plus récents. Ce compilateur réunit la Thora, le livre de Josué, ceux des Juges et de Samuel, en une suite qu’il compléta en y ajoutant l’histoire des Rois depuis Salomon jusqu’à Jéchonias, dont il avait vu, sans doute, de ses propres yeux le changement de fortune. Il présenta le cours des annales de la royauté de manière à faire sentir que l’abaissement graduel qui avait suivi la mort de Salomon et les calamités qui avaient frappé les deux royaumes étaient les résultats de l’apostasie des rois et du peuple, les conséquences de l’idolâtrie et de désordres de tout genre. Toutes ces parties séparées formèrent, par leur réunion, un recueil d’histoire qui n’a point d’égal, recueil sommaire et néanmoins riche de faits, simple et cependant rempli d’art, mais surtout plein de vie et d’une force d’impression très grande. Ce fut le second livre populaire des exilés babyloniens ; nombre d’entre eux ne se contentèrent pas de le lire avec l’attention la plus soutenue, ils s’en pénétrèrent et en suivirent les conseils. Des scribes lévites en multiplièrent les copies. Sous l’action de ces écrits, le cœur de pierre commença à se changer en cœur de chair, et un nouvel esprit respira dans le peuple. Ce qu’Ézéchiel avait préparé, Baruch le continua.