Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/275

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était remplie de Jérusalem ; ils chérissaient les pierres de la ville sainte et étaient attendris à la vue de sa poussière. Le Lévite qui, interprète de ses compagnons, a si poétiquement ennobli le souvenir de Jérusalem, rend dans toute son émotion le sentiment de ces affligés de Sion :

Près des fleuves de Babel nous étions assis et nous pleurions
Au souvenir de Sion ;
Aux saules du rivage nous avions suspendu nos harpes,
Car ceux qui nous retenaient captifs nous demandaient des chants,
Et nos oppresseurs des cantiques de joie.
Chantez-nous, disaient-ils, des chants de Sion.
— Comment chanterions-nous le chant de Jéhovah sur la terre étrangère ?
Si je pouvais t’oublier, ô Jérusalem, que ma droite se dessèche.
Que ma langue reste attachée à mon palais,
Quand je ne penserai plus à toi.
Quand je ne placerai plus Jérusalem à la tête de mes joies.

Les affligés de Sion, en priant pour leur délivrance ou en confessant leurs péchés, se tournaient du côté de Jérusalem, comme si la place où jadis s’élevait le temple eut conservé sa sainteté et qu’il y eût à en attendre l’exaucement et la grâce. Comme ces zélés de la parole de Dieu ne pouvaient, à l’étranger, offrir de sacrifices, ils s’habituèrent à voir dans la prière l’équivalent des offrandes. Trois fois par jour, ils se rassemblaient pour prier en commun, et leur réunion, plus ou moins nombreuse, formait une communauté. La maison de prière remplaça pour eux le temple. Il est probable que les psaumes de pénitence et de deuil ont résonné dans les oratoires de Babylone.

Ce qui accrut encore l’exaltation pour Jérusalem, pour la délivrance et la loi, ce fut le prodigieux spectacle de la conversion de païens, l’accession de gentils à l’alliance d’Abraham, phénomène presque miraculeux et dû certainement à l’enthousiasme judéen, car l’enthousiasme appelle l’enthousiasme et enfante des prodiges. Les convertis devinrent de zélés apôtres de leur croyance nouvelle ; les pécheurs de la veille, arrivés à la conscience de leur coulpe, montrèrent aux pécheurs du jour le chemin