Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/277

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le commerce des produits du sol avec celui des étoffes précieuses que fabriquait le pays et qu’on recherchait au loin. Cette capitale était un marché de premier ordre : les exilés qui s’étaient auparavant déjà livrés au négoce y trouvèrent l’occasion non seulement de continuer leurs affaires, mais encore de leur imprimer plus d’essor. Ils firent de fréquents et longs voyages pour l’achat ou le troc des marchandises et acquirent ainsi de grandes richesses. Dans un pays de volupté, la fortune rend voluptueux : les Judéens opulents copièrent la vie efféminée des Babyloniens, adoptèrent l’idolâtrie babylonienne ; ils dressèrent la table en l’honneur de Gad, le dieu de la fortune, remplirent le calice à la gloire de Meni, la déesse du destin, pour appeler sur leurs entreprises la faveur de ces divinités. En un mot, ils s’identifièrent si complètement à Babylone qu’ils oublièrent Jérusalem, naguère encore l’objet de tous leurs vœux, et ne voulurent plus entendre parler de retour. Ils se déclarèrent Babyloniens, prétendirent le rester et se moquèrent de ceux qui s’exaltaient pour Jérusalem.

Ce contraste s’accentua encore avant de disparaître : la piété brûlante, le zèle de flamme et l’enthousiasme de la Jérusalem idéale qui régnaient d’un côté, tranchèrent de plus en plus vivement sur la mondanité, la soif de jouissances et l’oubli des vieux souvenirs qui se montraient de l’autre, et cette opposition eut ses interprètes dans deux partis qui se vouèrent une haine réciproque. Les zélés et les grands esprits — il y en avait quelques-uns parmi les exilés — n’en apportèrent que plus d’ardeur à triompher de cet antagonisme. Ils s’appliquèrent d’abord à s’affermir eux-mêmes et à fortifier dans leurs convictions les membres de leur propre parti ; ensuite ils portèrent leur action sur ceux de leurs frères qui professaient d’autres sentiments et leur étaient hostiles. De ce déploiement d’efforts naquit une nouvelle guirlande de fleurs poétiques, qui surpassèrent en beauté les anciennes. Les vingt dernières années de l’exil furent aussi fécondes, sinon plus, que l’époque d’Ézéchias. Les hommes de l’esprit, les disciples de Jérémie et d’Ézéchiel, qui s’étaient plongés dans la méditation des livres saints, jusqu’alors ignorés, et avaient mis leur âme à l’unisson de ces écrits, conçurent