Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/280

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un fils de l’homme venant avec les nuées du ciel et s’avançant jusqu’à l’Ancien des jours. Mais une autre et plus équivoque dénomination était employée par Jésus dans l’intimité, c’était le nom redoutable : Fils de Dieu, qui était sans doute aussi une allusion à un verset biblique (Psaumes, II, 7) : Dieu m’a dit : C’est toi qui es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui. Jésus voulait-il faire prendre ce terme au figuré, comme synonyme de Messie, ou dans le sens littéral ? Autant que nous pouvons savoir, il ne s’en est jamais expliqué, pas même lorsqu’il fut appelé à en rendre compte devant la justice. Plus tard, ses partisans eux-mêmes ne s’accordèrent pas sur le vrai sens du mot ; désaccord qui produisit autant de sectes différentes. Ainsi se forma un nouveau paganisme : la déification d’un homme.

En se faisant reconnaître de ses disciples comme le Messie, Jésus, avons-nous dit, leur avait recommandé le secret. Il les consolait en leur disant que l’heure n’était pas encore venue, mais que le temps viendrait où ils pourraient dire dans la lumière ce qu’il leur avait dit dans les ténèbres, et prêcher sur les toits ce qu’il leur murmurait à l’oreille. Mais il arriva juste le contraire de ce qu’ils attendaient, lui comme ses disciples. Lorsque l’on apprit, sans doute par l’indiscrétion de ces derniers, que Jésus de Nazareth prétendait non seulement préparer la venue du royaume de Dieu, mais être lui-même le Messie, l’opinion publique se déclara contre lui. On lui demandait des signes surnaturels comme preuve de sa messianité ; ne pouvant les donner, il dut éluder les questions. Beaucoup de ses partisans, irrités de le voir jouer le rôle de Messie, paraissent s’être détachés de lui et cessèrent de le suivre. S’il ne voulait pas donner prise sur lui à ses disciples, il fallait faire quelque chose pour couronner son œuvre, ou succomber. Ils s’attendaient surtout à le voir se présenter comme Messie dans la capitale du pays, à la face de la nation entière. On raconte que ses propres frères l’ont conjuré de se rendre en Judée, afin que ses disciples le voient enfin à l’œuvre. Car personne n’agit en cachette, voulant se manifester à tous. Puisque tu fais ces choses, montre-toi donc au monde. Jésus dut se résoudre enfin à aborder cette voie périlleuse. Du reste, il n’était plus en sûreté dais la Galilée : pourchassé par les sbires du tétrarque