Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/310

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Mais Vibius Marsus, le gouverneur de la Syrie, qui avait vu clair dans les projets d Agrippa, fit comprendre à l’empereur le danger de ces fortifications, si bien que celui-ci ordonna de discontinuer les travaux. Agrippa dut obéir, n’étant pas encore en mesure de résister. Mais il songeait à miner la puissance romaine en Judée, et, à cet effet, il s’allia secrètement avec les petits princes voisins, ses parents et amis. Sous prétexte de réjouissances en commun, il les invita à un conciliabule à Tibériade. Dans la capitale de la Galilée se trouvèrent réunis Antiochus, roi de Comagène, dont le fils Épiphane était fiancé à la plus jeune fille d’Agrippa ; Samsigeramos, roi d’Émèse, dont la fille Jotapé avait épousé le frère d’Agrippa, Aristobule ; puis Kotys, roi de la petite Arménie ; Polémon, prince de Cilicie ; enfin Hérode, roi de Chalcis, frère d’Agrippa. Tous ces princes devaient leur position à Claude et, par suite, ne pouvaient que perdre à un changement de règne. Mais lorsqu’il eut vent de cette assemblée de princes, qui semblaient si bien s’entendre, Marsus conçut des soupçons, accourut à Tibériade et, avec la morgue des vieux Romains, leur signifia d’avoir à regagner sur-le-champ leurs foyers. Et tel était le prestige de Rome, que la voix d’un serviteur de Claude suffit à dissoudre ce congrès de princes.

Cependant le génie entreprenant et la ténacité d’Agrippa auraient, sans doute, épargné à la Judée de nouvelles humiliations et assuré sa sécurité ultérieure, si la mort n’était venue le surprendre, âgé à peine de cinquante-quatre ans (printemps de 44 ?). Cette mort subite donna lieu aux bruits les plus divers. — Avec Agrippa s’éteignit la dernière étoile de la Judée. Sa mort, comme celle de Josias, le dernier grand roi qu’eut Israël avant l’exil, précéda juste d’un quart de siècle la ruine de l’État judaïque.

Après la mort d’Agrippa, les Grecs de Palestine purent donner carrière à la sourde fureur dont les avait remplis l’élévation de ce prince. Oublieux de ce qu’ils lui devaient, les Syriens et les Grecs de Césarée et de Sébaste se répandirent en outrages contre sa mémoire, se livrèrent à des orgies et offrirent des sacrifices à Caron pour le remercier d’avoir emporté Agrippa. Les soldats romains en garnison à Césarée, faisant cause commune avec eux, traînèrent dans les lupanars les statues des filles d’Agrippa. En apprenant