Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/388

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parent d’Agrippa ! Sénat et Hérodiens n’ouvrirent-ils pas les portes à deux battants quand les Romains approcheront de la ville ? Telle était la pensée des zélateurs, qui se crurent assez forts pour arracher le pouvoir aux modérés ou aux amis secrets des Romains, et pour continuer la guerre à outrance.

La tension, de jour en jour croissante, entre les zélateurs de Jérusalem et le parti modéré du Sanhédrin, produisit un régime de terreur, conséquence inévitable d’une lutte suprême et sans merci, où le fanatisme politique et religieux se double toujours de soupçon. Les zélateurs frappèrent un coup qui provoqua une scission sanglante. Ils arrêtèrent tous ceux que leur parenté avec la maison royale ou leurs sentiments douteux faisaient suspecter de conspiration secrète contre la ferté. Ils publièrent ensuite qu’ils n’avaient ainsi écarté que des traîtres et des ennemis de la liberté, qui n’avaient d’autre pensée que de livrer Jérusalem aux ennemis. Les zélateurs ne s’en tinrent pas là. Leur haine contre les familles sacerdotales qui avaient servi autrefois d’instruments aux Romains contre la liberté, les poussa à leur ravir cette dignité qu’elles avaient déshonorée. Ils convoquèrent la division sacerdotale nommée Jakhin, et lui firent choisir un grand prêtre dans son sein par voie de tirage. Le sort désigna un prêtre jusqu’alors inconnu, Pinehas, fils de Samuel, de la petite ville d’Aphta. Les uns disaient que c’était un simple tailleur de pierres ; d’autres, un homme des champs. Pinehas fut reçu solennellement par les fonctionnaires du temple, qui avaient été le chercher à la campagne. Il entra dans la ville, paré des insignes pontificaux, et comme il était pauvre, les gens riches lui fournirent de quoi tenir dignement son rang. Matthia ben Théophilos, qui avait été élu par Agrippa, fut déposé de ses fonctions. Cette mesure exaspéra le parti du Sanhédrin, dont plusieurs chefs étaient de famille pontificale ; ils considéraient cette élection comme une profanation de la dignité la plus sainte, comme une souillure faite au sanctuaire. Anan, à qui sa hardiesse et sa fortune donnaient dans le Sanhédrin une influence prépondérante, et qui, par son éloquence, savait gagner ses adversaires ou les annihiler, excita la partie modérée de la population de Jérusalem à venger l’insulte faite au sacerdoce et à combattre à main armée les zélateurs.