Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/73

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bachiques. Pour obtenir la faveur du roi et de ses compagnons de plaisir, il fallait entrer dans la société dionysiaque et participer à toutes ses orgies.

Toutes les fois que les affaires appelaient Joseph à Alexandrie, il jouissait de l’honneur, assez équivoque, d’être invité aux débauches royales et reçu dans la compagnie dionysiaque. A l’un de ces festins, il s’éprit d’une des danseuses impudiques qui ne manquaient jamais à pareilles fêtes. Ne pouvant résister à sa passion, le petit-fils du grand prêtre Siméon le Juste s’en ouvrit à son frère Solyme et le supplia de lui amener en secret cette fille, puisque la loi judaïque lui défendait d’avoir commerce avec une étrangère. A cette époque, il était déjà père de sept enfants !

Cette dépravation, importée d’Alexandrie par Joseph et ses compagnons, envahit aussi Jérusalem. Courtisan obséquieux, le fils de Tobie institua une fête en l’honneur de Bacchus, à qui le roi, son protecteur, vouait un culte particulier, et que lui-même se plaisait à fêter en Égypte. A l’époque où l’hiver fait place au printemps, quand la vigne se couvre de fleurs et que s’opère la dernière fermentation du vin, les Grecs célébraient la fête des grandes Dionysiaques, où ils se livraient à de folles réjouissances. Deux jours durant, l’ivresse régnait en souveraine. On s’envoyait mutuellement, entre amis, des cruches pleines de vin, et le buveur le plus intrépide était proclamé vainqueur. Cette fête, dite de l’Ouverture des Tonneaux, trouva aussi accès dans la Judée. Là aussi, dans cette même saison, des sociétés de plus en plus nombreuses adoptèrent peu à peu l’usage de fêter plus que de raison le jus de la treille pendant deux jours et d’envoyer des présents aux amis. Toutefois, pour donner une couleur juive à cette fête exotique, les riches distribuaient, ces jours-là, des aumônes aux pauvres. La licence est l’inséparable compagne de l’ivrognerie. L’aristocratie judaïque fit bientôt litière de sa dignité, de sa pudeur, de son antique Loi ; elle copia le libertinage des Grecs, introduisant comme eux dans ses festins chanteuses, danseuses et courtisanes. Un poète moraliste, Sirach, flétrit d’une plume sévère cette immoralité croissante :

N’accueille point la femme légère,
Tu pourrais tomber dans ses pièges.