Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tique et spirituel Bar-Kappara. Ces recueils étaient souvent plus clairs et plus conformes à la tradition que le code de Juda, mais ils ne purent pas lutter contre l’influence qu’avait acquise l’œuvre du patriarche. Cette dernière devint la Mischna principale, la Mischna par excellence, et les autres recueils ne furent considérés que comme des apocryphes, des ouvrages extérieurs (kiçonot, appelés improprement Boraïtot)[1], absolument comme certains ouvrages sont déclarés apocryphes par rapport au canon biblique.

Le trait distinctif de la Mischna, qui a été acceptée comme code religieux par les Judéens, c’est d’avoir imprimé au judaïsme un caractère juridique, de le présenter comme une collection d’ordonnances. Les commandements et les défenses, les prescriptions inscrites dans le Pentateuque aussi bien que celles qui en ont été déduites par les docteurs sont, d’après elle, des ordres divins, placés au-dessus de toute attaque et de toute critique. Ce sont assurément les coups incessants portés au judaïsme, les attaques violentes dirigées contre lui par les Hellénisants sous le règne d’Antiochus Épiphane, l’opposition implacable des Sadducéens, le système des allégoristes d’Alexandrie, le dédain professé par le christianisme paulinien et les gnostiques pour les pratiques juives qui ont amené les docteurs à insister particulièrement sur la partie juridique du judaïsme. Ainsi, lorsque les Alexandrins et les gnostiques ne semblent tenir compte dans le judaïsme que de la conception d’un Dieu d’amour, enveloppant toute la création d’une profonde affection, la Mischna cherche à combattre cette tendance, elle ordonne d’imposer silence à l’officiant qui dirait dans sa prière : « Éternel, ta bonté s’étend jusque sur les petits des oiseaux. » La Mischna n’abandonne presque rien au libre jugement des hommes, elle soumet toutes les actions à des lois rigoureuses, elle détermine la part que le pauvre a le droit de recevoir de la charité publique, elle va jusqu’à indiquer le nombre d’enfants que chaque père de famille doit avoir pour satisfaire à l’obligation de contribuer pour une part suffisante à peupler la

  1. Il faut ajouter aux Boraïtot les écrits mischnaïtiques suivants que nous possédons : 1° la Tosefta ; 2° la Mekilta, commentaire juridique sur l’Exode ; 3° le Sifra, commentaire sur le Lévitique ; 4° les Sifré, commentaires sur les Nombres et le Deutéronome. Ces ouvrages sont des annexes à la Mischna.