Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/284

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Cette situation, relativement heureuse, cessa à l’avènement de Sisebut. Ce roi, contemporain de l’empereur Héraclius, était, comme lui, un ennemi acharné des Juifs. Héraclius pouvait, à la rigueur, justifier ses persécutions par le soulèvement des Juifs de la Palestine, et, de plus, il subissait l’influence de moines fanatiques. Mais Sisebut persécuta les Juifs sans motif, de son plein gré, presque contre la volonté de l’Église. Dès le commencement de son règne (612), il renouvela les édits de Reccared et ordonna aux ecclésiastiques, aux juges et même au peuple d’en surveiller attentivement l’application. Il alla plus loin que Reccared en défendant aux Juifs non seulement d’acquérir de nouveaux esclaves, mais encore de garder ceux qu’ils possédaient déjà. Seuls, les Juifs convertis étaient autorisés à posséder des esclaves, ils avaient même le droit de prendre ceux qui leur venaient de l’héritage de quelque parent juif. Sisebut adjura solennellement ses successeurs de tenir fermement la main à l’exécution de cet édit, et il forma le souhait que tout roi qui l’abrogerait fût exposé sur cette terre à la plus vile ignominie et livré dans l’autre monde aux flammes éternelles du purgatoire. Malgré ces objurgations et ces malédictions, les seigneurs du pays accordaient leur protection aux Juifs ; même des ecclésiastiques et des évêques ne tenaient nul compte des lois de Sisebut. Ce dernier prit encore une mesure plus sévère : il décréta que tous les Juifs du pays étaient tenus d’accepter le baptême dans un délai donné ou de quitter le territoire visigoth. Cette mesure fut exécutée. Les uns se laissèrent fléchir par la crainte de perdre leurs biens et leur patrie et acceptèrent le baptême ; d’autres, plus attachés à leurs croyances, émigrèrent en France et en Afrique (612-613). Le clergé n’approuva nullement ces conversions forcées, et l’un de ses principaux membres blâma le roi d’avoir méconnu, dans son zèle pour la religion, les droits de la conscience.

À la mort de Sisebut, ces persécutions cessèrent. Le nouveau roi, Swintila, homme bienveillant et équitable, que les opprimés appelèrent « le père de la patrie, » abrogea les lois de Sisebut. Les exilés revinrent dans leur pays et les convertis retournèrent au judaïsme (621-631). Bientôt la condition des Juifs fut de nouveau modifiée. À la suite d’une conjuration des seigneurs et des ecclé-