Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas une profonde connaissance de la littérature aggadique. Il a composé plus de cent cinquante morceaux liturgiques, hymnes pour les fêtes, prières de pénitence, élégies pour les jours de jeûne, mais un très petit nombre de ses compositions a une valeur poétique, et aucune n’est réellement belle. Les communautés babyloniennes, italiennes, allemandes et françaises les ont admises néanmoins à l’honneur d’être récitées au temple, mais les communautés espagnoles, habituées à un langage plus correct et plus élégant, n’en ont pas voulu.

Par suite de l’insertion de ces morceaux liturgiques dans l’office, celui-ci changea de caractère. La traduction des chapitres de la Thora et les discours d’édification cédèrent la place aux piyyoutim. C’est alors qu’on introduisit le chant dans le service divin, car les piyyoutim furent chantés et non récités, et l’officiant prit une place prépondérante dans la synagogue.

À cette époque, c’est-à-dire au premier siècle de l’hégire, se produisit dans le judaïsme un mouvement qui provoqua parmi les Juifs des querelles, des dissensions et de cruels déchirements, mais qui, en fin de compte, fut très bienfaisant. On sait que, dans les communautés juives de la Babylonie, le Talmud était accepté comme code religieux. Quand l’islamisme se fut propagé de l’Inde jusqu’en Espagne et du Caucase jusqu’au cœur de l’Afrique, l’autorité des gaonim et, par conséquent, celle du Talmud s’étendit à son tour. Les Juifs de la Babylonie se soumettaient assez facilement à la doctrine, souvent étroite, du Talmud, parce qu’elle était conforme à leurs mœurs, à leurs habitudes et à leurs propres conceptions et qu’elle avait été établie par leurs chefs religieux. De plus, les Juifs babyloniens et africains n’étaient pas assez familiarisés avec la Bible et le Talmud pour reconnaître si les pratiques prescrites par les écoles rabbiniques étaient fondées ou non sur des textes de la Thora ; il leur suffisait de savoir qu’un usage religieux était ordonné par les gaonim pour qu’ils l’acceptassent.

Il n’en était pas de même des Juifs arabes établis en Palestine, en Syrie et dans l’Irak. C’étaient de vrais fils du désert, guerriers vaillants et chevaleresques, habitués à vivre et à penser librement, autrefois en relations constantes avec les Arabes, parmi lesquels ils s’étaient de nouveau établis après la conquête de la Perse et de la