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byzantins tremblaient devant les Khazars, ils les flattaient et leur payaient tribut pour les empêcher de marcher sur Constantinople ; les Bulgares et d’autres peuplades étaient leurs vassaux, et les « gens de Kiew » (les Russes), prés du Dniepr, étaient obligés de remettre annuellement au chagan une épée et une fourrure par feu. Quand les Arabes furent devenus leurs voisins, il s’éleva fréquemment entre eux des collisions sanglantes.

Les Khazars, comme leurs voisins bulgares et russes, étaient païens, adonnés à un culte immoral et grossier. Par suite de leurs relations commerciales avec les Arabes et les Grecs, qui venaient échanger les produits de leur pays contre des fourrures, ils apprirent peu à peu à connaître le christianisme et l’islamisme. Il y avait aussi des Juifs, venus, en partie, de l’empire byzantin pour échapper aux persécutions de l’empereur Léon (723). Interprètes et marchands, médecins et conseillers, les Juifs se firent connaître et aimer à la cour des chagans, et ils inspirèrent à un des chefs des Khazars, Boulan, un profond amour pour leur religion.

Plus tard, les Khazars ne connaissaient plus que très imparfaitement les motifs qui avaient amené leurs ancêtres à se convertir au judaïsme. Un de leurs chagans raconte ainsi cet événement. Le roi Boulan, ressentant, un jour, une vive aversion pour l’idolâtrie, la défendit dans tout son royaume, sans cependant la remplacer par un autre culte. Après avoir remporté une grande victoire sur les Arabes et conquis une forteresse en Arménie, il se décida à reconnaître publiquement le judaïsme. Le khalife et l’empereur byzantin désirèrent naturellement que le chagan embrassât l’islamisme ou le christianisme, et, pour l’y amener, ils lui envoyèrent des présents ainsi que des ambassadeurs chargés de faire ressortir devant lui la supériorité de leurs religions respectives. Une discussion eut alors lieu sous les yeux du chagan entre un ecclésiastique byzantin, un docteur musulman et un savant juif. Boulan remarqua que les représentants du christianisme et de l’islamisme étaient obligés, pour prouver leurs assertions, d’en appeler sans cesse au judaïsme, il déclara donc qu’il embrasserait, comme il en avait eu l’intention, la religion mère dont étaient issues les deux autres, et il se fit circoncire. Le savant juif qui avait pris part à cette discussion religieuse se serait appelé Isaac Sangari ou Singari.