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Les pagano-chrétiens professaient des idées tout opposées. Comme la conception d’un Messie libérateur, appelé apparemment dans la langue des prophètes fils de Dieu, était totalement étrangère aux gentils, et que le titre de descendant de David ne pouvait non plus agir bien vivement sur leur esprit, les pagano-chrétiens interprétaient les faits à leur propre point de vue et considéraient Jésus comme un vrai fils de Dieu, et cette idée était pour les païens aussi naturelle qu’elle semblait étrange et singulière aux Judéens. Une fois qu’il était établi que Jésus était fils de Dieu, il devenait nécessaire d’écarter tous les phénomènes, tous les événements, tous les faits qui étaient en contradiction avec cette conception. Jésus ne pouvait plus être venu au monde d’une façon naturelle ; de là cette assertion qu’il était né d’une vierge et engendré par le Saint-Esprit. La première divergence importante entre les Ébionites et les pagano-chrétiens porta donc sur l’idée qu’ils avaient de la nature de Jésus : les premiers le vénéraient comme fils de David, les autres l’adoraient comme fils de Dieu. De plus, les pagano-chrétiens attachaient une médiocre importance à la doctrine de la communauté des biens et du mépris des richesses qui formait la base du christianisme ébionite.

Les pagano-chrétiens ou Hellènes avaient leur principal siège en Asie Mineure ; ils avaient surtout organisé des communautés dans sept villes, que le langage symbolique de l’époque appelait les sept étoiles ou les sept lampes d’or. Éphèse contenait la plus importante de ces communautés. Entre les Ébionites et les pagano-chrétiens, qui n’avaient de commun que leur nom de chrétiens, régnait une animosité qui devint, avec le temps, plus âpre et plus violente. Les judéo-chrétiens ressentaient une haine ardente pour Paul et ses disciples, ils accablaient d’injures et d’outrages, même longtemps après qu’il fût mort, celui qu’ils appelaient l’apôtre du prépuce. Rempli d’admiration pour l’unité et la concorde que le Synhédrin de Jabné savait maintenir dans le judaïsme et qui formaient un si vif contraste avec les déchirements du christianisme, un Ébionite écrivit ce qui suit : « Les Judéens de tous les pays observent encore aujourd’hui la même Loi, ils croient tous à l’unité de Dieu et suivent les mêmes pratiques, ils ne peuvent pas avoir des doctrines différentes ni s’écarter du sens de l’Écriture sainte, car ils inter-