munautés contenaient des railleries ou des paroles de réprobation que chaque parti adressait à ses adversaires ; c’étaient, le plus souvent, des lettres de polémique. Même les récits composés sous le nom d’évangiles dans le premier quart du (iie siècle, et qui rapportaient la naissance de Jésus, son action, ses souffrances, sa mort et sa résurrection, reflétaient les divergences d’opinion des deux groupes et attribuaient au fondateur du christianisme, non pas les doctrines et les sentences qui lui appartenaient réellement, mais celles qui répondaient aux vues et aux aspirations particulières de chaque parti. Ainsi, les Ébionites montraient Jésus comme favorable à la loi judaïque et aux Judéens, que, d’après les Pauliniens ou pagano-chrétiens, il aurait au contraire méprisés et haïs. Les évangiles eux-mêmes étaient donc des écrits de polémique.
Les Ébionites et les pagano-chrétiens n’étaient pas seulement divisés sur les croyances et les dogmes, il régnait également entre eux des divergences politiques. Les judéo-chrétiens, comme les Judéens, haïssaient Rome, les Romains, les empereurs et leurs fonctionnaires. Un de leurs prophètes, qui a composé la première Apocalypse, imitée des visions de Daniel et attribuée à Jean, injuriait en paroles enflammées la ville aux sept collines, Babylone, la grande prostituée. Cette première Apocalypse annonce et appelle sur Rome la pécheresse tous les malheurs, les plus terribles fléaux et dévastations, toutes les humiliations et toutes les hontes ; on ne se doutait guère, à cette époque, que Rome deviendrait un jour la capitale de toute la chrétienté. Les disciples de Paul prêchaient, au contraire, la soumission à la puissance romaine, qu’ils déclaraient instituée par Dieu lui-même. Ils n’éprouvaient pas, comme les judéo-chrétiens, l’amer sentiment de la liberté perdue, et ils recommandaient sans cesse de payer aux Romains taille, impôts, droits de douane, taxes de toutes sortes. La soumission des pagano-chrétiens au pouvoir régnant, leurs avances à Rome, la ville du péché, que les Ébionites vouaient aux flammes de l’enfer, élargissaient encore le fossé qui séparait l’une de l’autre les différentes sectes chrétiennes.
Au commencement, les Judéens eurent avec les judéo-chrétiens, qu’ils nommaient Minéens ou Minim, des relations assez cor-